J’ai été formé au Kung-Fu Wushu (formes externes) et au Taiji Quan interne. J’ai donc développé des sensations et c’est sur elles que je concentre mon enseignement aujourd’hui : pour moi l’interne et l’externe sont indissociables. Je ne peux passer à côté de la formidable richesse technique de l’externe sans y appliquer le travail interne du corps, que j’incorpore de plus en plus au fur et à mesure de l’avancée de l’élève.

Aujourd’hui je continue de me former en Wing Chun et Taiji Quan, auprès de professeurs exigeants qui ne tergiversent pas avec les fondamentaux.

LES PRINCIPES, LES FONDAMENTAUX

J’enseigne depuis le début des années 90 et voici quelques remarques sur la Pratique :

1/ ne pas être formaté par le « rapide-facile-pratique-ludique-moins cher » (RFPLMC) de notre société actuelle, sinon votre canapé sera le plus rapide point d’arrivée -> quand c’est l’heure d’aller à l’entraînement, on prend son sac et on y va ; quand on y est, on est heureux et quand on revient on est comblé.

La pratique d’un art permet de sortir du cercle vicieux et stérile du RFPLMC.

2/ processus sans fin : apprendre, comprendre, accepter, intégrer, appliquer, perfectionner, entretenir les fondamentaux. Ce sont eux, du débutant à l’expert, qui seront indispensables pour progresser ! J’ai commencé vers mes 15 ans mais je me considère toujours comme un débutant car plus on avance dans l’art, plus on comprend son étendue sans fin. Le niveau de quelqu’un n’est pas un critère concret.
3/ Kung-fu vient de Gong-fu qui désigne l’idée de « savoir-faire« , « maîtrise« .

Beaucoup de gens croient que le truc, c’est d’apprendre des formes et techniques or, le Savoir-faire passe évidemment par un travail subtil-complexe sur l’intérieur du corps et de l’esprit (fascias, tendons, relâchement musculaire, structure, connectiques, détachement mental du geste etc…).

Même si dès le début, j’ai travaillé l’interne et l’externe en même temps, il n’empêche que j’ai passé trop d’années à accumuler des formes (taolus), au lieu de travailler plus assidûment sur la structure interne du corps-esprit. Je m’applique à ce que mes élèves ne fassent pas la même erreur.
4// pratiquer l’Art juste pour le plaisir que cela procure : pour pratiquer dans de bonnes conditions, il faut être en paix avec soi-même (émotions, pensées…), avec les camarades du club et avec la Pratique.

5/ Pratique = Construction. « le chemin est certes difficile, mais c’est le difficile qui est le chemin » : on ne se construit pas quand tout est facile. Ne pas se dérober face à la difficulté, à l’échec… : bifurquer sur le fun, l’ironie…, tomber dans le piège du facile-pratique-rapide-ludique…

6/ « le métier c’est ce qui ne s’apprend pas » et « les questions qu’on se pose n’ont que la pratique pour réponse » ; ceux qui veulent tout tout de suite et sans travailler-chercher-persévérer… ont déjà perdu.
7/ Le travail finit toujours par payer et la pratique d’un Art demande (et apporte) patience, persévérance, humilité, sérénité, satisfaction…

8/ les vidéos tape-à-l’oeil :

. celles où vous avez des gens qui font des gestes à pleine puissance ; ralentis, accélérés, zoom et musique qui vont bien…! Je comprends que cela peut impressionner certaines personnes, mais comprenez que vous êtes en train de regarder quelqu’un en train de subir une cadence infernale (cardio à bloc, corps tendu, stress…) ; quelqu’un en train de subir ce qu’il créé lui-même

. si vous voyez un expert démolir un assistant, regardez la qualité de l »attaque proposée à l’expert, son réalisme. Je suis très souvent déçu de la proposition qui est plus que complaisante et la réponse complètement disproportionnée.

. vous avez aussi ceux qui font une belle forme artistique mais qui n’ont pas d’efficacité martiale quand ils passent par deux face à une attaque correcte… ‘Savoir faire’ avant de ‘faire-savoir’… Il faut donc regarder si leur message est clair ; s’ils parlent-démontrent le côté martial et efficace en combat (vitesse, musique rapide, zoom…), ou le côté santé physique-mentale.

. ne prenez pas la personne en train de s’entraîner tranquillement en répétant paisiblement des milliers de fois des gestes fluides et équilibrés, comme quelqu’un qui travaille de façon stérile (juger en pensant que ça ne sert à rien pour être efficace en combat), austère ou « perché ». Sachez lire entre les lignes.

Cette personne (son corps et son esprit) est justement en train de travailler en respectant tous les critères du Gong Fu, d’une personne ayant un savoir-faire : calme intérieur, respect du Yin-Yang, qualité, respect du corps et de l’esprit, vision sur le long terme, pratique saine, objectif d’excellence…. Selon moi, quelqu’un qui pratique le Gong-fu n’a pas l’efficacité immédiate en combat comme priorité.

9/ attention quand vous regardez un expert ; rappelez-vous que vous voyez quelqu’un qui a sacrifié des années de sa vie à l’entraînement, et qu’il n’y a pas d’autres façons d’y arriver (ce n’est qu’en forgeant qu’on devient forgeron).

En tant que professeur, j’ai l’impératif de :

. perpétuer le haut niveau d’exigence que demande mon Art, sinon cet Art est condamné à s’appauvrir par le laxisme-ludique-rapide-facile-pratique, m’as-tu-vu, fun…

– guider-diriger les élèves sur les critères fondamentaux et un enseignement de qualité pour qu’ils puissent s’en nourrir, se construire et se l’approprier (j’ai une obligation de respect envers l’Art et l’élève).

De la sorte, l’Art pourra perdurer, sinon ce ne sera plus un Art digne de ce nom. Tout ce travail en vaut la chandelle : il amène des moments de grand plaisir, sensations profondes et insoupçonnées, de recherche passionnante…; choses tellement précieuses…